Dimanche 9 août 7 09 /08 /Août 10:48
Pour Paul - par Caroline




Froid…  Ce lit est dur et froid, il faut que je me lève... Je reprends conscience,
avec difficulté.

Je suis étendue sur une surface si inconfortable que j’ai somnolé sans repos, et ça
m'évoque  un  souvenir lointain,  lié  à  l'enfance.  Aux  randonnées,  au  camping
sauvage.
Quand j’ouvre les yeux, je  comprends pourquoi :  je suis étendue à même le
sable, sur une plage. Les vagues venaient lécher la plante de mon pied droit, et
l'eau est glacée, malgré le soleil déjà haut. Voilà ce qui m’a réveillée…
Le vent me fait frissonner.
Combien d'heures ai-je pu passer ainsi, échouée sur le rivage ?

Avec effort, je me redresse, puis je me mets debout : j'ai mal partout mais,
selon toutes apparences, rien de  cassé. Mes vêtements humides me collent à la
peau. Inspectons les dégâts...
Je porte un bikini rose pâle rendu presque transparent au contact de l'eau, et un
paréo multicolore noué autour des hanches, révélant sur toute sa longueur ma
jambe droite jusqu'à mi-cuisse; la même tenue que lors de la soirée, hier, à bord
du bateau...

Le bateau... La croisière. Nous étions toutes trois dans la même cabine... Je me
revois en train d'étudier mon reflet dans le miroir de ma cabine, intimidée, avant
de me risquer à sortir si légèrement vêtue, avec mes deux camarades de voyage.

Après, plus rien. Le néant...

Sur ma cheville, je découvre une estafilade. Mes jambes et ma joue gauche
sont poisseuses de sable. Je me contrains à m'avancer dans les premières vagues
trop  fraîches,  paréo  relevé  jusqu'à la  taille,  et  je   m'asperge   d'eau  pour  m'en
débarrasser...

Le bateau...

Je me souviens avoir pris une douche à bord du bateau. Sans doute hier soir,
avant d'aller dîner et participer à cette soirée dansante. On approchait des
côtes de l'état de Sabah.

Que s'est-il passé ? Un  naufrage ? Une avarie ? Un acte de piraterie ?
Impossible de me souvenir au-delà, mon esprit fiévreux ne retrouve que des
ténèbres. Et mes amies ? Et l'équipage, les autres passagers ? Pourquoi n'y a-t-il
aucune trace d'eux ?

Je me frictionne avec énergie pour chasser l'angoisse sourde qui monte en moi,
une   impression  de   menace...  Comme  si  on   m'observait.  C'est   idiot,  il  n'y  a
personne   en   vue,   et   pas  même  une   ligne  téléphonique  à   l'horizon  sur   des
kilomètres...
Une fois briquée comme un sou neuf, je regagne la rive en grelottant.
Sans hésiter j'escalade le talus, droit devant moi, et je me dirige vers
l'intérieur des terres.

La végétation a été dégagée sur un étroit passage, puis a commencé à repousser.
Un sentier ? Il ne doit pas être très fréquenté...
Rien de mieux en vue - je me décide à le suivre, espérant qu'il mène à un
village, une route, un endroit habité où l'on puisse me venir en aide...
Il ne me faut parcourir que dix pas au-delà de la plage pour comprendre que ma
progression va être plus difficile que prévu. Mes pieds nus sont blessés,
piqués, écorchés à chaque pas. Un fragment de bois qui casse sous mon talon
droit me crible d'échardes. J'avance en boitillant.
Et le soleil s'en mêle, qui sèche mon bikini en quelques minutes et commence à
me cuire le dos... Il va faire chaud. Très chaud...

Trouver de l'eau, de l'ombre, un abri ! Marchons...

J'ai l'impression de braver la jungle depuis des heures; en réalité, je dois à
peine avoir  parcouru  deux  ou  trois  kilomètres sur ce terrain  accidenté, mais
chaque mètre supplémentaire infligé à mon pied à vif m'arrache des grimaces de
souffrance.

La construction qui apparaît au détour du chemin est une totale surprise.

Pas de bungalow de club de vacances, ni construction fonctionnelle comme une
cabane de garde-chasse ou garde-pêche, ni quelque avant-poste administratif.
Mais une étroite longhouse sur pilotis, selon toutes apparences flambant neuve et
pourtant  en totale en  affinité  avec les  coutumes  anciennes de cette partie  du
monde.

Une longhouse est en général occupée par tout un village. Celle-ci ne semble pas
assez grande, plutôt destinée à une famille. Des pêcheurs, sans doute...

A pas prudents, je monte les marches, dérangeant un lézard qui prenait le
soleil.
Je m'avance sous la véranda qui longe tout le bâtiment, et je toque à ce qui me
semble être la porte. Un panneau coulisse sans un bruit, sous l'impulsion de mon
poing.

La pièce est vaste, ombrée, apparemment déserte.
Une natte en rafia est étendue sur le sol, couvrant une large portion du
plancher. Une moustiquaire pendue au plafond se déploie au-dessus.
Contre le mur opposé est appuyé en plan incliné un grand miroir piqueté,
vaguement encadré de motifs à la Mucha, qui doit sans doute avoir été récupéré
dans un de ces vieux hôtels britanniques de la période coloniale.
L'endroit a l'air propre et sain, dépourvu de tout relent de renfermé ou de
moisissure. Il me semble percevoir une légère odeur de fumée, mais ça ne dure
qu'un instant. De l'encens, peut-être...
Je soulève un bord de la natte entre deux doigts, je la secoue et la replace à
terre: pas de bestiole rampante ou piquante dissimulée.
D'un seul coup, je me sens si lasse ! C'est sans doute cet encens exotique qui me
tourne la tête.
Je dénoue le paréo roulé autour de mes hanches, je le replie pour m'en faire un
coussin de  fortune,  et  je  m'allonge.  Si  l'on  vient, je  m'expliquerai, je pourrai
demander à être conduite jusqu'à la ville la plus proche. Je  voudrais juste me
reposer un moment. Dormir...
Malgré la dureté du plancher, je bascule dans le sommeil en quelques secondes.

Je rêve...

Un  drôle  de  rêve, étrange  et agréable  - je  sens une  chaleur inconnue qui se
répand   en   moi,   une   délicieuse  chaleur,   comme   une   flamme   qui   viendrait
effleurer mes jambes, s'enrouler le long de mes cuisses... Est-ce la moustiquaire
déployée qui caresse ainsi mon dos ?
Reprenant lentement contact avec le réel, je m'étire comme un chat, roulant d'un
flanc sur l'autre...

--J'ai cru que tu ne te réveillerais jamais, ma douce, dit une belle voix grave
toute proche.

Ouvrant les yeux d'un seul coup, je surprends un homme qui se tient au-dessus
de moi.

Un inconnu, et pourtant qui a quelque chose de curieusement familier.
Il a des yeux d'un bleu-gris à l'éclat impérieux, des yeux couleur Steve
McQueen, pensé-je confusément, et des pupilles immenses.
Il sourit, d'un incroyable sourire, mi-charmeur, mi-moqueur. Il est agenouillé
sur la natte à côté de moi.
Torse nu, il porte un jean blanc et des chaussures
souples comme j’en ai déjà vu aux pieds des danseurs. Sa peau de blond naturel,
à part quelques taches de rousseur, est presque aussi pâle que la mienne, ses bras
ont  un   léger   duvet   cendré   qui  doit   être   doux   au   toucher... 
Il a un visage magnifique et une présence qui éclipse jusqu'à l'étrangeté de la situation.
Sa main caresse mes cheveux d'un geste très naturel, comme s'il en avait
l'habitude.
Pendant un moment je me demande ce qui me donne aussi chaud, à croire que
quelqu'un  a laissé allumé un fer à souder... Mais c'est juste son regard. Il me
scrute avec une familiarité si insistante...
Pourtant, ça se voit qu'il n'est pas d'ici... et il ne me connaît pas...

Quel genre de type se comporte ainsi en pays lointain, avec une inconnue?
Un fou, me dis-je, tous mes instincts de survie soudain alertés.
Cet étrange lueur dans ses yeux, que je n'arrive pas à décrypter...
C'est forcément un malade, et peut-être dangereux.
Il y a un fou dans la maison.
Fuir...
Mue par la  peur, je veux m'asseoir, quand je m'aperçois que les légers triangles
qui composaient le haut de mon maillot se sont écartés durant mon sommeil,
révélant ma poitrine.
Sous le choc, je laisse échapper un  petit cri, croisant les bras pour couvrir ma
nudité involontaire. Je comprends à présent son drôle de regard...
L'homme penché a un petit rire.
--Ah non, dit-il, tu ne vas pas te cacher ? J'ai déjà eu le temps d'admirer...
Il prend mon poignet, l'écarte avec fermeté, révélant la région du coeur.
--Tu avais pourtant l'air d'apprécier, tout à l'heure, poursuit-il; je t'ai même
entendue ronronner...

D'une main désinvolte, il effleure mon sein nu, dont la pointe se dresse
aussitôt, comme pour confirmer ses dires et en réclamer davantage...
Il m'a touchée pendant mon sommeil...
Je sens que je m'empourpre, embarrassée, et maudissant les réactions de mon
corps. J'aurais cru être anesthésiée, après une si longue période d'abstinence.
Comment le simple contact de la paume d'un inconnu peut-il déclencher une
telle vague de sensations fortes ?

La chaleur délicieuse éprouvée en rêve m'envahit à nouveau, me trouble.
Il peut déchiffrer sur ma physionomie tout ce que j’éprouve; il rit :
--Tu vois bien.

Je cherche à dégager mon bras de sa poigne.
Ce n'est pas tant la nudité qui me gêne, que sa façon de me dévisager comme s'il
lisait en moi tout ce qu'il y a de plus inavouable.

Il resserre sa prise, sans brutalité, mais très sûr de lui.
--Tu ne veux pas déjà me quitter, affirme-t-il.
Venant de lui, ça résonne comme un reproche.
Il écarte mon autre bras. Avant que je n’aie eu le temps de comprendre ce qu'il
s'apprête à faire, il plonge en avant et sa bouche  se referme sur l'aréole du sein
droit qu’il vient d’exposer.
Je laisse échapper une plainte malgré moi...
En réponse, sa caresse du bout des lèvres se transforme en morsure. Une longue,
profonde morsure qui me paralyse et m'arrache un cri aigu.
L'inconnu se redresse, renverse la tête en arrière...
Sa voix sonne comme une gifle.
Il rit !

Son regard croise le mien, il explique, comme une évidence :
--J'ai hâte de t'entendre crier sous moi. Et pour une bonne raison, cette
fois...
Je détourne la tête, troublée. Je voudrais disparaître sous terre.
Et en même temps je ne peux m'empêcher de le regarder à la dérobée.
Il a une voix chaude, bouleversante.
Une de ces voix qui font succomber les filles…
Quelque chose dans son inflexion me dit qu’il a dû en avoir plein, dans sa vie, et
je l'imagine aisément se pencher sur tant d’autres femmes, inconnues sans visage,
durant bien des nuits blanches.
De  ces  nuits  sans  fin  comme il en  a  traversé  sans  doute  par centaines,  qui
patinent les cordes vocales à force d’alcool et de tabac, qui laissent des cernes et
des griffures à même la peau, et il s’en fout sûrement…
Depuis   combien   de   temps, combien d’années n’ai-je plus laissé personne
s’approcher de moi ? Même hier, à bord du bateau, alors que j’avais accepté le
principe de cette croisière  pour essayer de profiter de mes vacances, tandis que
les couples se formaient alentour, je suis restée sur la défensive tout le temps,
incapable de permettre à un homme d’engager la conversation.
Le nombre de fois où je me suis promis que jamais plus je ne laisserai un garçon
entrer dans ma vie ! Trop d’ennuis... Vraiment.
Le désir, la dépendance ? Il y a encore douze heures, j'aurais ri, fièrement : je ne
connais pas ça !
Pourtant, cet homme que je n'ai jamais vu  auparavant me touche, et je ne fuis
pas.
Sa  prise autour  de mon poignet   est   ferme,   et   cependant   sans   brutalité   ni
contrainte. C'est comme s'il me réduisait à sa merci juste par le regard.
Ses yeux sont envahis d'ombre, les pupilles noires immenses dévorent l'iris bleu,

forment des lacs obscurs, on s'y noierait avec bonheur.
Son  visage  est  d'une  beauté  à tomber. Mobile,  mutable, changeant  à chaque
instant.
Mais je n'ai presque pas le temps de le détailler tant ses yeux me fascinent...
Il m'attire à lui, et j'accompagne son geste presque  malgré moi, comme  si mon
acceptation était prévue de toute éternité et ne souffrait aucune discussion.
Sa bouche se promène  sur mes seins, prenant tout son  temps, se presse contre
mon  ventre, descend  plus bas... je devine ce qu'il veut, je cherche à l'éviter, de
même que j'ai toujours esquivé  ce contact trop intime -  mais sans effet, il  est
décidé à surmonter toutes mes réticences.
Je le  sens qui m'explore, butinant l'entrecuisse, de la  langue, des lèvres, et d'un
coup  il me mord  avec force au plus secret, m'arrachant un  nouveau cri aigu,
faisant jaillir mes larmes, et maintenant sa prise solide malgré mes tentatives pour
lui échapper.
Il tient bon jusqu'à ce que je cesse de me débattre, jusqu'à ce que je renonce et
m'abandonne à tout ce qu'il veut, sans force, domptée.
Alors seulement, il s'allonge  sur moi et se presse contre mes hanches pour me
faire sentir ce qu'il me réserve...

Comme  mues  par  une   volonté  propre,  mes  mains  partent   à  la   découverte,
explorent  son torse  à la  musculature  compacte, ses bras rivés autour de  moi
comme deux barres de fer, sa peau, d'une douceur inimaginable  par contraste,
sur la  face  interne  des bras et le long  des côtes,  la  cambrure  de  sa colonne
vertébrale, la lisière du jean blanc et la peau cachée, plus voluptueuse encore,
que j'effleure à peine sous la ceinture...
Je glisse une  main entre lui et moi pour le délivrer de son jean, qui souligne  à
quel point il est prêt... Il ne porte rien dessous et son état me trouble encore
davantage...
Mes mains en  coupe enveloppent son sexe, l'enserrent, le caressent. Il bascule
sur le  flanc et  me  laisse  le  cueillir  entre  mes  lèvres,  le  goûter,  l'avaler aussi
profond que je peux. Le sentir réagir au moindre effleurement déclenche en moi
un   désir  ardent,  impérieux,  et  me  fait trembler et  flamber  de la  racine des
cheveux  jusqu'à la plante des pieds.
Il me devine, et reprend le contrôle, à nouveau allongé sur moi, sa peau nue si
tentante, qui devient électrique au contact de la mienne.

A mon oreille il murmure:
--Je   vais   te   pénétrer  très   lentement,   pour  que   tu   me   sentes  entrer  en   toi,
centimètre par centimètre, jusqu'à ce que tu me supplies...
Sans la moindre hésitation, le moindre tâtonnement, il me prend.

Le cocktail infernal de désir, de frustration et de douleur a porté mes sens à un
tel paroxysme que je détecte même le plus infime de ses mouvements dans ma
chair, à tel point que je pourrais dessiner sur ma peau sa position exacte en moi à
chaque seconde...

Jamais je n'aurais imaginé une telle perfection, qui m'arrache de nouvelles larmes.
Il me comble, il me tourmente, il m'éblouit.
Grisée par son parfum, le velours de sa peau, la force de ses bras qui m'enserrent
à me broyer, l'ombre de barbe de son menton qui effleure la pointe sensible de
mes seins,  je m'offre  à lui comme  jamais je ne  l'aurais cru  possible, il vient en
moi, et c'est sa place, de toute éternité. 
                           
 
                                                              *****
Par paulgris - Publié dans : nouvelles érotiques - Communauté : textes érotiques
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